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La cryoconservation des ovocytes

 

La question de la conservation des ovocytes est récurrentes dans nos consultations de gynécologie. Beaucoup de jeunes femmes âgées d'une trentaine d'années, célibataires pour la plupart, ou en couple mais sans projet immédiat d'enfant, nous interrogent sur ces nouvelles méthodes de préservation de leur fertilité.

 

Les médias ont amplifié le débat après que deux entreprises américaines (Apple et Facebook) ont proposé à leur employées femmes de subventionner la conservation de leurs ovocytes. La fertilité spontanée des femmes décroit de façon marquée à partir de 35 ans, et l'idée est la conservation des ovocytes des ces femmes pour qu'elles puissent envisager une grossesse tardivement avec leurs propres ovocytes malgré les défaillances de la nature. En effet, les spécialistes d'AMP reçoivent trop de patientes de 40 ans ou plus, dont la réserve ovarienne est trop faible pour pouvoir les aider à être enceintes.

 

Si le débat est riche et la recherche pleine de promesses, les resultats sont encore nettement insuffisants et le sujet soulève beaucoup de questions.

 

 

Qu'en est il en France ?

 

Plus de 2000 couples sont en attente d'un ovocyte, et le nombre de donneuses est insuffisant : en 2012, 422 femmes ont donné des ovocytes et 164 enfants sont nés de ces dons. (Source : Agence de la Biomédecine) . Les femmes se tournent alors vers l'étranger, où les femmes peuvent acheter des ovocytes et ou les contraintes subies par la donneuses sont rémunérées.

 

Le recueil d'ovocytes nécessite pour la donneuse de subir un traitement à base d'hormones, puis une ponction ovarienne sous anesthésie générale. Entre le début du traitement et le recueil des follicules, il aura fallu plusieurs échographies et prises de sang pour surveiller la maturation des ovules. Même si, lorsqu'une femme donne ses ovocytes l'assurance maladie prend en charge les frais médicaux, les frais de garde des enfants pendant l'hospitalisation, les interruptions de travail, la procédure ne souffre pas d'improvisation. Elle comporte des contraintes et demande une grande disponibilité, une programmation des examens et des prélèvements. Le don ne se résume pas aux « ovocytes ».

 

Et pour l'homme ?

 

Le don de sperme est facilement réalisé, et un seul donneur peut générer 10 grossesses. Le nombre de donneur reste limité : 235 hommes ont donné leur sperme en 2012 (Source : Agence de la Biomédecine). Depuis 2011 (révision des lois de bioéthique), les donneurs ne doivent plus nécessairement être parents et doivent être âgés de 18 à 37 ans pour les femmes et jusqu'à 45 ans pour les hommes. Le décret d'application n'a toujours pas été signé par le Ministère de la Santé.

A ce jour, aucune étude n'a été publiée, rendant compte du taux de grossesses obtenues après reimplantation d'un ovule congelé, en l'absence de pathologie. Si plusieurs équipes prévoient de publier leurs succès, les résultats escomptés sont une extrapolation des résultats obtenus dans d'autres conditions.

 

Pour le Pr. Belaisch Allart, spécialiste d'AMP, « Il y a deux risques majeurs. D'abord les faux espoirs. Les femmes ne doivent pas croire qu'elles ont un bébé au congélateur. Ce n'est pas un bébé, juste quelques ovocytes. Il en faut 20 à 25 pour espérer une naissance. Le taux de réussite est loin des 100%. On estime qu'avec 8 ovocytes congelés de bonne qualité, la femme peut espérer 60% de naissances. Le deuxième risque est d'encourager les grossesses tardives. C'est pourquoi il faut une limite d'âge. Je la fixerais à 45 ans. »

Attention aux faux espoirs ! Les ovocytes d'une femme à partir de 30 ans ont moins de 25% de chance d'aboutir à une naissance vivante. Ce chiffre décroit avec l'âge. Le déclin du taux de succès de l’AMP s’amorce dès 35 ans et s’accentue à partir de 37 ans. Il faudrait donc réaliser la conservation avant 35 ans pour un maximum d’efficacité. L'âge limite à partir duquel l'autoconservation rendrait illusoire les chances de grossesse n'est pas encore clair.

 

Les risques des grossesses tardives :

 

> Les risques sont réels pour la mère et l’enfant : ils augmentent dès 40 ans et sont franchement majorés après 45 ans. En effet l'âge augmente les risques de prématurité, d'hypertension, de diabète et surtout de mort maternelle à l'accouchement (il est 10 à 15 fois plus élevé chez les femmes de plus de 45 ans) et de mort fœtale. 

 

> Se pose aussi la question du financement des traitements d'une part et de la conservation des ovocytes d'autre part. Certains arguent que la possibilité d'avoir accès à ses propres gamètes  éviterait à l’assurance maladie des prises en charge inefficaces de l’infertilité..

 

En France, Il n'est pas possible pour une femme de conserver ses propres ovocytes. La révision des lois bioéthiques de 2011 prévoit que les femmes qui font don de leurs ovocytes auront le droit de conserver une partie des ovocytes pour elles si elles n'ont pas encore eu d'enfants. Mais le décret d'application de cette disposition n'est pas encore paru. Cette idée ressemble à une forme de chantage au don, difficilement acceptable par les femmes. Le don de ses gènes au travers de ses ovocytes n'est ni un geste anodin, ni un geste qu'on oublie. De ce don naitra un enfant et la donneuse ne peut faire abstraction de cette finalité du don. Ce n'est pas un simple don de « cellules »

 

De plus en plus d'études (Source: Gynécologie obstétrique et fertilité, Janvier 2015) ont montré que les femmes méconnaissent le déclin physiologique de la fertilité, et que si ces femmes savaient que leur fertilité diminuait, elles pourraient modifier leurs projets de vie, y compris envisager d'avoir des enfants plus tôt ou de conserver leurs ovocytes.

 

Le sujet est ouvert et de plus en plus débattu. Si les possibilités d'autoconservation sont pleines de promesses, elles ne doivent  en faire oublier ni les limites techniques, ni le coût actuel puisque seuls des laboratoires étrangers proposent le recueil et la conservation.

 

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